Jontavious Willis

Lorsqu’en janvier 2024, il se présenta seul, sa guitare à la main, sur la scène du théâtre Claude Debussy de Maisons-Alfort, nul n’aurait pu imaginer que ce jeune homme faussement timide allait aisément enthousiasmer le public du festival « Sons D’Hiver ». Déjà en mai 2023, sa prestation à Coutances en Normandie, en première partie du vétéran Robert Cray, avait fait sensation. Pourquoi donc Jontavious Willis suscite-t-il tant de ferveur ? Il faut croire que l’authenticité de son répertoire et la sincérité avec laquelle il le délivre font mouche. À 28 ans, ce natif de Géorgie, dans le sud des États-Unis, veut préserver un patrimoine hérité de ses aïeux. Depuis sa prime jeunesse, il se passionne pour les histoires narrées par ses aînés, ces fameuses ritournelles séculaires qui ont nourri la légende du blues ancestral. Alors, il conte à son tour l’aventure culturelle et sociale d’antan comme pour perpétuer un message qui ne résiste pas assez à l’érosion du temps. Mélodieusement rugueuse, sa musicalité semble échappée des entrailles de l’histoire mais, ne vous y trompez pas, il s’agit davantage d’une restitution que d’une imitation. Jontavious Willis est le fruit d’une épopée tumultueuse, celle des afro-américains qui, de tous temps, ont dû batailler ferme pour se faire entendre. Il a en lui ce récit douloureux qu’il sait rendre majestueux. Comme un griot africain, il entretient la mémoire de ses pairs en s’appropriant au présent leur poésie et leur sensibilité. Dans cette Géorgie qu’il connaît bien, il retrace la généalogie de sa famille et nous ramène jusqu’en 1823. Le blues était déjà le ciment communautaire de ses arrières-grands-parents. L’écho de ces chansons d’autrefois résonne encore avec force dans son esprit. Ces incantations ont toujours du sens aujourd’hui, semble-t-il affirmer. La ruralité sudiste américaine transpire naturellement dans ce disque frissonnant sans pourtant se perdre dans une relecture prévisible et convenue. Jontavious Willis vit au XXIe siècle et perçoit les enjeux de son époque. Il cherche seulement à guider nos pas vers la source de sa créativité. Peut-être parviendra-t-il à susciter notre intérêt pour cette région du monde où, contre vents et marées, contre brimades et humiliations, un élan artistique souleva l’espoir d’une égalité citoyenne réelle.

À lire aussi…