Son Little
La douce ivresse d’un refrain imagé, un piano qui tangue dans les graves, un silence béant qui suspend une phrase… Ces petits passages, ces instants intenses qu’on attend de savourer à chaque nouvelle écoute, “Aloha” en fourmille. « Plus sombre et plus lumineux », nous prévenait Aaron Livingston alors en plein chantier de ce troisième album. On entend maintenant ce qu’il a voulu dire. Le Californien n’a pas changé la recette de sa soul bosselée, il a trouvé une belle manière d’en étendre l’amplitude. C’est la première fois qu’il partage les rênes de l’aventure Son Little : un coup de maître tant l’approche finement minimaliste et intuitive du producteur parisien Renaud Letang sied à son univers peuplé de vibrations galvanisées par un subtil jeu de textures. Ces zébrures de guitares, ces synthés cabossés, ces rythmiques mates qui battent comme un cœur, ce chant habité d’un souffle ardent… Et puis, toujours, cette gestion de l’espace si judicieuse. Conçu dans l’intimité apaisante du Studio B de la maison Ferber, “Aloha” puise une sacrée force dans la beauté de son relief sonore qui à chaque instant nourrit des chansons pleines de vie. On respire, on plonge, on refait surface. Côté lumière, il y a ces titres aux noms de muses et leurs rebonds euphorisants. Côté ombre, il y a ces lentes traversées en forêt deep soul. Mais en fait le clair-obscur est omniprésent, créant une ambivalence troublante et terriblement touchante. “Aloha” signifie beaucoup de choses, notamment l’art de cultiver la nuance à la croisée des chemins.