Elli Ingram
« Love You Really », le premier album d’Elli Ingram paru en 2017, était un modèle de soul groovy peaufiné par une jeune chanteuse-songwriter (née en 1993) et ses deux complices à peine plus âgés, Felix Joseph et Aston Rudi, habitant eux aussi Brighton (UK). Un trio perfectionniste qui avait pris le temps de bien faire, à sa manière, au point de lasser la major qui n’attendait plus le bébé. Zéro promo à la sortie. Ingram reste à quai quand outreManche une brillante génération héritière comme elle d’Amy Winehouse prend le large.
Mais Ingram devient un nom dont on guette chaque nouveau titre. Rare, mais toujours une franche coudée au-dessus de la mêlée. C’est bien le cas des sept singles qu’elle a publiés sur son propre label depuis février 2020, tous réunis dans ce deuxième album qui lui aussi s’est fait attendre. Si d’autres coauteurs et producteurs ont été sollicités et que Felix Joseph n’est présent que sur un morceau (Fool’s gold, slow pertinent en duo avec Mahalia), Aston Rudi en est l’architecte principal, garant d’une patte sonore clairement identifiable. L’apport des jeux agiles et goûtus de Dayna Fisher (basse) et Marco Bernadis (sax) n’y est pas non plus étranger, et chaque chanson bénéficie d’un bel équilibre à tous les niveaux de sa construction.
Autant de cadres sur mesure qu’Elli investit de son timbre espiègle et de ses
mots profondément incarnés qui racontent sans ambages, inspirés par les "mauvais
comportements" constatés dans son entourage. Aucun temps faible entre le départ
(l’autoportrait satirique No plan B) et l’arrivée (les imparables vibrations cuivrées de la chanson-titre). On pourrait vanter les mérites de Growing pains, de Flowers, de Heavy (ces refrains, cette narration !), que l’on côtoie depuis des mois, on peut aussi souligner un art de la retenue particulièrement intense lorsqu’il embrasse des sujets douloureux (Poor baby, Selfish). Il est grand temps de faire connaissance avec Elli Ingram.