Alain Tercinet

A l’occasion de la parution du coffret « Thelonious Monk, les Liaisons Dangereuses 1960 » (musique du film de Roger Vadim, inédite au disque, Sam Records-Saga/Pias) auquel il avait participé.

Hommage à Alain Tercinet, disparu en juin 2017, pour sa contribution à la connaissance et à la diffusion de cette musique, à travers ses recherches, ses articles, ses livres, ses anthologies et compilations discographies, et ses textes pour les pochettes et livret d’une multitude de disques, CD et coffrets.

Prix In Honorem Jazz
Alain Tercinet
Disparu le 29 juin dernier, Alain Tercinet avait 82 ans. Il était né à Chambéry, le 29 janvier 1935. « Une montagne d’érudition dont il usait avec la plus grande discrétion » notait très justement Paul Benkimoun dans le Monde, à sa disparition. « Un commentateur hors pair, un historien du jazz que j’admirais sans réserve. Dans ce domaine précis, personne au monde ne lui tenait la dragée haute. Il avait fini par s’inventer le genre d’écriture, nette et sobre, qui convenait le mieux aux propos qu’il tenait », confiait simultanément Alain Gerber. C’est lors de son service militaire en Algérie, souvenir qui resta toujours douloureux, qu’Alain Tercinet croisa la route de Cabu et que leurs passions communes pour la BD et le jazz allaient se développer en parallèle. Alain Tercinet avait fait les Beaux-Arts à Lyon, entre 1952 et 56 et se retrouva embauché comme maquettiste à Action automobile et touristique (qui deviendra Action Auto Moto en 1994) en 1961.

Fréquentant assidument les clubs et salles de concerts parisiennes des années soixante, c’est tout naturellement qu’il collaborera à la revue Jazz Hot, de 1970 à 1980, à la fois comme maquettiste et comme critique, pour signer d’innombrables chroniques de disques, interviews et articles de fond. Il collaborera ensuite avec le même enthousiasme à l’aventure du mensuel Jazzman (de 1992 à 2009), puis à Jazz Magazine. Avec en constance, une compétence éprouvée pour la précision historique de ses articles, méticuleusement documentés. C’est durant ces années qu’il écrivit « le » livre référence sur un sujet à défricher, West Coast Jazz (1986, P.O.L., mis à jour en 2015 chez Parenthèses). Puis il y eut Stan Getz (1989, Ed. du Limon), la somme Be-Bop (1991, P.O.L.) et Parker’s Mood (paru chez Parenthèses, 1998). À chaque fois, une écriture limpide, concise et des références historiquement vérifiées, imparables. La rigueur faite swing.

Alain Tercinet allait aussi beaucoup contribuer à la culture des amateurs de jazz par son travail approfondi sur les textes de pochette de disques et sur la réalisation de rééditions de référence en puisant dans sa collection personnelle et ses souvenirs inépuisables. Ainsi, la collection Masters of Jazz, les rééditions de Frémeaux & Associés (notamment une intégrale des enregistrements de Charlie Parker ou l’un de ses ultimes travaux sur les voix féminines de la West Coast dont lui seul avait pressenti l’intérêt passionnant), ou l’énorme succès des cent et quelques volumes de la série Jazz in Paris (Universal). Tout récemment, il avait eu la responsabilité de documenter le coffret des inédits de Thelonious Monk pour la musique des Laisons dangereuses 1960 (Sam Records). Il nous prenait par la main pour nous conter une incroyable aventure nourrie de témoignages directs et nous faire vivre l’aventure d’une musique de film oubliée. Il savait comme personne remettre en lumière ce qui aurait pu longtemps rester dans l’ombre, sans cette insatiable volonté de réparer les injustices de l’histoire. La rigueur et l’élégance d’Alain Tercinet, la modestie et la sensibilité de son érudition sont une leçon d’exigence. Magistrale.

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