My One And Only Love (Live At Theater Gütersloh)

Martial Solal fait son entrée dans cette collection ’European Jazz Legends’ qui associe un théâtre de Westphalie, le magazine allemand Jazzthing, la WDR, radio publique de Cologne, et le label Intuition épaulé par Challenge Records. Un concert en solo qui date de l’automne 2017, quelques semaines après le quatre-vingt-dixième anniversaire du pianiste. Devant un public hyper attentif, ce maître de la fantaisie s’en est donné à cœur joie, bouleversant les standards avec sa verve habituelle (et toujours avec de nouvelles idées), nous offrant une de ses plus belles compositions issue des années 70 (Coming Yesterday), improvisant une ballade, et renouvelant une fois de plus son approche d’Ellington dans un pot-pourri qui piège nos attentes. C’est cela qui est merveilleux : à chaque fois, il parvient à nous surprendre. Au même concert, à deux reprise, et à près de 50 minutes d’intervalle, il va se (nous) divertir autour de Frère Jacques (rebaptisé Sir Jack), trouvant à nouveau des échappatoires qui touchent au vertige. Sur Body and Soul, maintes fois joué par lui, et par tant d’autres, il ouvre une porte mystérieuse. Sur Night And Day ou All The Things You Are, tant ressassés par tous les jazzmen, il parvient encore à entrer de plain-pied dans l’inouï, et pourtant le standard est là, joué avec cette amoureuse distance qui est la marque de quelques musiciens d’exception, dont il fait évidemment partie. Une brève fantaisie sur la Marche Turque, et Mozart passé à la moulinette comme jamais ; un feu d’artifice à la gloire du bebop sur Night in Tunisia, et là encore le hachoir est passé, mais pour magnifier ce monument plus qu’historique ; et juste après viendra un Tea For Two qui déconstruit, tout en le célébrant avec amour, le jazz classique, vu d’un surplomb cubiste. Ce disque est décidément un régal, et un GRAND disque de Martial Solal, une fois encore.

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