David Enhco
Troisième disque avec les mêmes partenaires, cela s’entend, cela se sent, tant il y a là d’empathie, de télépathie, de connivence forgée par le plaisir de partager la musique. Chacun des sidemen connaît une existence musicale hors de ce groupe, et tous évoluent dans l’excellence. Mais il existe semble-t-il un lien privilégié, un contact dans les sphères supérieures de la sensibilité qui les met en situation de vibrer, émotionnellement, à l’unisson. Trois compositions signées par le leader, trois par le pianiste, deux par le bassiste et une par le batteur : toutes convergent vers un même but, avec une cohérence esthétique qui ne gomme pas les singularités. On évolue sans cesse entre minimalisme presque conceptuel et hardiesse formelle. Et deux courtes plages accueillent des improvisations collectives qui confirment, s’il en était besoin, l’osmose qui préside au fonctionnement du quartette. On dit (on écrit), ici ou là, qu’il y a là des analogies avec les souffleurs scandinaves, et le halo de style ECM qui entoure (embue quelquefois) ces musiciens cités en référence ou en analogie. Mais l’essentiel est ailleurs, et s’il est vrai que le studio de La Buissonne (où le disque a été enregistré) travaille régulièrement pour le grand label munichois, ce n’est pas cela qui détermine l’esthétique et la singularité sonore de ce groupe, et de cette musique. Pour l’exigence musicale, pour la quête des harmonies tendues et des mélodies distendues, pour une certaine pureté du son, pour une poésie mêlée d’audace, je pense parfois à Kenny Wheeler, passé du Sud canadien aux brumes londoniennes (et passé par ECM sans y laisser son identité). Mais je ressens surtout une voix singulière, qui suit son chemin sans dévier, sans se complaire dans une formule efficace, dans une recette éprouvée. Très belle expressivité, hardiesse esthétique, et dans la meilleure des compagnies : que dire, sinon que c’est totalement réussi !