Susanne Abbuehl, Stephan Olivia, Øyvind Heff-Lunde

C’est un groupe ’en nom collectif’, un trio sans leader où convergent les énergies, les inspirations et les sensibilités. Le ferment, le catalyseur, c’est l’amour des thèmes de Jimmy Giuffre, rejoints dans ce disque par des compositions de Don Cherry, Keith Jarrett, Bob Thiele et Stephan Oliva. Dans le disque comme au concert, la musique est constamment sur le fil : connivences croisées, entre le pianiste et la chanteuse, qui se sont par ailleurs exprimés en duo ; et entre la chanteuse et le batteur, car ce dernier jouait en concert, et avec quelle instensité retenue, dans le quartette de Susanne Abbuehl. C’est plus qu’un art de la nuance : un cas d’école, un modèle à proposer à tous ceux qui veulent découvrir jusqu’où il est possible d’aller, en musique, dans le ténu, l’hyper sensible, et le frisson sans tapage. La production est exemplaire, sous la houlette de Philippe Ghielmetti, qui nous remet en mémoire une règle devenue trop rare : un directeur artistique est d’abord un véritable esthète, à l’écoute des artistes, dont il doit deviner les attentes, et stimuler les désirs. Le lieu où fut enregistré ce magnifique témoignage est un lieu rare : le studio La Buissonne, à Pernes-les-Fontaines, dans le Vaucluse, entre Ventoux et Durance. Un studio où les grands labels (ECM en tête) et les artistes adulés (Brad Mehldau....), mais aussi beuacoup d’artistes plus confidentiels et pas moins importants, viennent enregistrer, car on y trouve un sorcier du son chargé d’émoi, Gérard de Haro, et un magnifique piano de concert, amoureusement accordé et réglé par Alain Massonneau. Bref ce disque, ce groupe, et le lieu où s’est élaboré ce magnifique objet, sont une sorte d’hymne à l’idéal de la musique enregistrée, telle qu’on la rêve : aussi vraie que si elle surgissait d’un instant magique qui ne devrait jamais se reproduire, et que pourtant nous retrouvons, par le disque, avec une joie renouvelée.

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