No Mercy In This Land

Saluons le choix de Ben Harper ! Car il fut comme un amant volage, un dragueur invétéré du rock, du reggae, du funk, délaissant sa vieille maîtresse, le blues. Quand ce guitariste extraordinaire se révèle en 1994 avec Welcome To The Cruel World, les trompettes de la renommée sonnent pour lui. Il se produit au Zenith, épouse la belle actrice Laura Dern. Il est un jeune prince américain et peut devenir un nouveau Prince. Mais le musicien a trop de facilité, il s’éparpille façon puzzle, comme dirait l’autre, convoite le Veau d’or, cherche l’argent et la gloire… Une histoire malheureusement courante ! Puis il s’est rappelé que jeune, il allait défier le guitariste Brownie McGhee devant son garage à Oakland, qu’il écoutait Mississippi John Hurt, Skip James, Robert Johnson. Le blues donnait un sens à la vie, comme les cailloux du Petit Poucet ou le fil d’Ariane… Il est ainsi revenu à son foyer. Ses disques avec le mythique groupe de gospel Blind Boys Of Alabama, ses titres aux côtés de John Lee Hooker font partie de ses meilleures productions. A cette splendide collection, s’ajoute désormais un magnifique album qui ne doit rien au marché et à la loterie du public, mais plutôt à la vérité, à l’enfance, à tout ce qui fonde l’art, No Mercy In This Land. Il a réveillé un volcan éteint, le grand harmoniciste du Mississippi Charlie Musselwhite, 74 ans, vieux bonhomme ressuscité de son fleuve de boue et des encyclopédies qui renouvela le blues américain au début des années 1960 avec John Hammond Jr et Paul Butterfield. Nous tenons là une superbe œuvre, poétique, langoureuse, parfois incendiaire où le jeu de guitare de Ben Harper, dépouillé et lyrique, et sa voix chaude épousent le feu de Musselwhite. Du lamento au boogie, l’œuvre a l’éclat précieux des guitares vintages avec lesquels joue Ben Harper, la rusticité des vieux ranchs perdus au milieu des champs, fait sentir le tremblement du train à vapeur, la passion du voyage, les odeurs des marais… Les deux hommes jouent en plus un nouveau répertoire et non les sempiternels classiques, emmêlés dans une même cool attitude. Un beau disque joué sur le roc tout en contemplant les étoiles. L’essence du blues.

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