Jean-Pierre Collot

Hugues Dufourt – Franz Schubert, Franz Liszt, Carl Czerny

Quatre poèmes de Goethe sont à la source de ce disque : des lieder de Franz Schubert, transcrits pour piano par Franz Liszt ou Carl Czerny, et en miroir, inscrites dans cette splendide tradition pianistique, quatre œuvres d’Hugues Dufourt, soucieux de magnifier la perception de l’instant, chère à l’écrivain, de faire écho à une lignée schubertienne qui vibre encore chez Gustav Mahler, et de renouveler à travers elle l’appréhension du temps : les illusions perdues, sans repos et sans trêve, de l’amour, sinon le règne des enfers (Rastlose Liebe) ; le sinistre postillon Kronos, miroir du dieu grec, sombre et lent, qui conduit les âmes à Hadès (An Schwager Kronos) ; le calme avant la tempête et la torpeur, d’une humide oppression, ou comme le dit Dufourt, l’« apaisement factice qui précède les ténèbres » (Meeresstille) ; le spectre, enfin, celui, fameux et terrifiant, du Roi des Aulnes (Erlkönig). L’œuvre de Dufourt exalte ici l’apparence, le faux-semblant, la valeur éphémère. Elle vise un artifice au second degré, un art de l’art, une quête d’archétypes, et laisse accroire que la chimère portée à l’excès, le caprice musical et les illusions de l’écoute sont plus vrais que la nature. À cela, Jean-Pierre Collot, après ses enregistrements de Salvatore Sciarrino et Jean Barraqué, donne admirablement vie.

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