Craig Taborn
Craig Taborn se confirme comme l’une des figures prééminentes de la scène d’aujourd’hui, côté piano, improvisation et composition. Un récent concert en solo, au festival Sons d’hiver, nous avait fait découvrir un artiste à la conquête de nouveaux espaces sonores et musicaux. Ici, en leader d’un quartette, pour son troisième disque chez ECM (et le septième sous son nom), il donne la pleine mesure de son talent singulier, qui conjugue un formidable sens de la forme, des nuances et du contrôle des dynamiques, avec une capacité inouïe à déplacer les limites de l’improvisation. Et de surcroît, il transmet cette faculté à ses partenaires (qui sont, il est vrai, tous de très haut vol) en les embarquant dans un espace où liberté et rigueur, écriture et improvisation, se mêlent, se démêlent et s’entremêlent avec bonheur. L’univers est d’une étendue impressionnante, conjuguant les intervalles très distendus de la musique dite contemporaine avec une sens de la pulsation qui n’appartient qu’au jazz. Rien d’excessivement abstrait ici pourtant, car le lyrisme et l’expressivité prévalent, effaçant d’un trait toute dérive vers l’opacité guindée. Les compositions (de sa plume, excepté un thème de Roscoe Mitchell) sont sinueuses, et recèlent des bifurcations inattendues, des détours formels troublants, avec ce sens de la construction que l’on trouvait naguère chez Andrew Hill : un univers balisé, et qui pourtant permet aux solistes improvisateurs de s’échapper vers leur singularité. L’électronique, utilisée avec un discernement presque parcimonieux, donne l’illusion que l’on ne quitte jamais l’univers d’un jazz purement acoustique. À écouter, et surtout réécouter, avec délices et recueillement : admirable !