Nous Verrons...
Ce qui frappe chez Simon Goubert c’est sa totale singularité. Immergé dès la fin de l’adolescence dans la vie nocturne des clubs de jazz parisiens, il a promené sa batterie sur toute les scènes, avec le saxophoniste américain Steve Grossman, mais aussi avec le pianiste Michel Graillier, le batteur Christian Vander (au côté duquel il se fait pianiste), le flûtiste Michel Edelin, sans oublier Babik Reinhardt, Siegfried Kessler, Riccardo Del Fra, René Urtreger, Mal Waldron, Michele Hendricks, Steve Potts, Joachim Kühn, Jacky Terrasson, Dave Liebman.... la liste est interminable, et constitue à elle seule un véritable annuaire du jazz, sur les deux rives de l’Atlantique. Il y eut également Glenn Ferris et Emmanuel Bex : avec ces deux derniers il formait le trio BFG. En 2001 leur premier disque remportait le Grand Prix Jazz de l’Académie Charles Cros.
Et puis bien sûr l’association avec la pianiste Sophia Domancich, en duo, et en trio avec le très regretté Jean-Jacques Avenel. Ce qui ne l’empêcha nullement de jouer du vibraphone et des percussions dans un groupe de Joëlle Léandre. Mais non content d’être batteur et pianiste, improvisateur évidemment, leader de groupes (jusqu’au sextette), il est aussi compositeur. Ce disque nous révèle son jardin secret, sa passion pour la voix (les voix) : voix de théâtre, de chant médiéval, classique, baroque ou traditionnel, voix du slam, et bien sûr du jazz (Billie Holiday....), de la soul music.... Il déploie ici son rêve, qui de phantasme est devenu réalité, avec la voix bretonne d’Annie Ebrel (sur des textes de Pierre-Jakez Hélias), la voix américaine (et les textes) de Mike Ladd, voix poétique de Pierre-Michel Sivadier, voix d’évasion onirique de Stella Vander, le tout mis en espace sonore par les complices instrumentaux de longue date, ou de plus fraîche connivence. Et Simon tel qu’en lui même, dans la finesse percussive comme dans l’explosion dionysiaque, et aussi aux claviers qu’il chérit et sait dompter. Pour ces voix d’élection il a composé des musiques, sur lesquelles ensuite ses partenaires ont écrit ou choisi des textes. Nous verrons, dit-t-il.... Eh bien c’est tout vu : un disque totalement singulier et absolument réussi, une œuvre d’artiste qui se livre à nous dans toute l’étendue de ses multiples talents. Une musique conçue pour le disque, quand le jazz majoritairement porte au disque une musique faite pour la scène.