Sélection Jeune public Printemps 2016

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Paroles et musique : Dorothée Daniel
Musique : Frédéric Feugas

On a en tête de nombreux duos électro pop pour adultes, Mikado, Niagara ou The Ting Tings… Mais pour les petits enfants ils sont plus rares ! Ainsi pour leur premier CD en direction du jeune public, Dorothée Daniel et Frédéric Feugas, alias Lady Do et Monsieur Papa, relèvent brillamment le défi, formant un tandem frais et pétillant aux refrains entêtants (C’est de la bombe, Le roi de la râloche, Tous à oilpé, Ma cousine joue du trombone…) où affleurent une tendresse et un humour omniprésents ! S’accompagnant eux-mêmes de pianos, orgues, synthés, guitares, casseroles et boîte à outils, les deux claviéristes-chanteurs-auteurs-compositeurs créent un joyeux univers constellé de jeux avec les mots, de trouvailles sonores et de gimmicks instrumentaux où se posent leurs voix malicieuses qui se répondent comme dans un jeu d’enfants… Et au pied de Mon arbre on y croise même Anne Sylvestre ! Un idéal disque de printemps !

Texte et narration : Cécile Bergame
Musique : Timothée Jolly
Illustrations : Cécile Hudrisier

Avec sa copine Lala, la petite souris confectionne une fusée pour aller dans la lune. On dit que les trois petits lapins habitent là-haut... Après Sur le dos d’une souris, Oh hisse petit escargot, Le gâteau de Ouistiti, Bonne bruit petit Kaki, la conteuse Cécile Bergame s’adresse une fois encore aux tout-petits. Sa voix douce et apaisante intègre de vraies comptines à un récit musical et rythmé. Timothée Jolly a créé pour l’ensemble un univers musical dépouillé, aussi discret qu’efficace qui titille l’oreille des enfants par des bruits amusants. Après l’écoute, on peut reprendre séparément histoire et comptines : texte et paroles ainsi que la gestuelle des comptines figurent dans l’album pour lequel Cécile Hudrisier a créé des images qu’on a envie de toucher, tant elle joue sur les effets de matière.

Texte : Oli Tanninen
Voix : Romane
Musique et réalsiations sonores : Ludovic Rocca
Illustrations : Oli Tanninen

« A écouter à partir d’un an bien assis ou en furetant partout comme une petite souris », propose l’éditeur Benjamins Medias, en quatrième de couvertu. Ce sera les deux, c’est sûr, parce qu’on peut penser que l’écoute se fera de nombreuses fois. L’histoire est aussi simple et évidente que le sont l’amitié et la solidarité. Mousse la souris recueille chez elle Frimousse le chien perdu. Dans un décor sonore et musical épatant, on se balade en distinguant toutes sortes de sons du quotidien, de la rue, de la météo… C’est aussi simplement que l’illustration utilise le minimum : trois couleurs, des formes évidentes. Le rythme que proposent l’écoute et les images est parfait, l’attention des petits sera captée tantôt ici, tantôt là, doucement mais en rebondissant. Ce récit de la Finlandaise auteure-illustratrice Oli Tanninen a été écrit en 1969, mais il est intemporel, indémodable, ce que l’éditeur a bien compris en réussissant une si jolie cohérence.

Texte : Vincent Cuvelier
Narration : Guillaume Marquet
Musique : Marc-Olivier Dupin
Interprétation : Orchestre national d’Ile-de-France, dirigé par Marc-Olivier Dupin
Illustrations : Ronan Badel

Émile est un petit garçon, charmant chenapan, à la personnalité bien appuyée ! Les multiples facettes de sa vie sont racontées, petit bout par petit bout, dans des albums déjà parus chez Gallimard Jeunesse. L’éditeur a eu l’excellente idée d’enregistrer ces textes et de les souligner d’un accompagnement musical par un grand orchestre classique. Les pensées, les idées, les émotions d’Émile sont ainsi finement traduites par une phrase musicale, sans pour autant s’y substituer ; car la voix du narrateur tient aussi toute sa place dans cet opus. Les textes sont sobres et vont à l’essentiel ; les illustrations d’origine complètent, avec énormément d’humour, le personnage. On vibre avec Émile, on désire avec Emile et on déchante avec Émile, car, oui la vie d’un petit garçon est faite d’envies, de caprices et de réalité !

Texte, musique, chant : Alain Schneider

Alain Schneider, tel qu’en lui-même. On connaît son talent incontournable. Il a eu le grand prix de l’Académie Charles Cros en 2013 pour Le vent qui nous mène. Ce nouveau CD est un voyage vers un monde meilleur, un voyage tendre et drôle, nostalgique aussi, vers des univers pas toujours drôles, vers des situations de notre temps. Il y a un bel hommage aux mamans, surtout à celles qui assument toutes seules, qui se battent et ne renoncent jamais : Maman est un guerrier apache. Il y a un superbe coup de chapeau à Joséphine Baker qui « a mis tout son cœur à danser pour un monde meilleur ». Sur la route d’Alain Schneider, on croise aussi les baleines à bosses et les baleines bleues dont le chant résonne dans les abysses, les singes du zoo qui lors de « la visite des cousins » se retrouvent face aux homos sapiens qui se piquent d’être intelligents. Entre tendresse et nostalgie aussi, la référence à la grand-mère qui « voit le monde à l’envers » à cause de la maladie d’Alzheimer, et l’hommage d‘Alain Schneider à son grand-père, Léon, un poilu dont il a mis en musique un très beau poème.
Rire et tendresse, émotion, poésie, textes souvent à double sens sur fond d’ambiances musicales variées et très réussies où le jazz côtoie le folk, le mambo, le rock… Un vrai bonheur pour les enfants et pour les parents !

Texte : Taï-Marc Le Than
Narration : Édouard Baer
Musique : The Amazing Keystone Big Band
Illustrations : Rose Poupelain

A l’origine ; point de texte pour accompagner Le carnaval des animaux. Ce qui n’a pas manqué de titiller l’imagination des auteurs : après Francis Blanche, Pepito Matéo, Eric-Emmanuel Schmidt, Carl Norac, c’est le tour de Taï-Marc Le Than, auteur du roman Jonah, de s’y coller. Il imagine un loup qui se fait inviter au carnaval, histoire de s’offrir un bon petit festin à la fin du défilé. Voilà pour l’histoire amusante et enlevée racontée avec finesse par l’élégant Édouard Baer. La musique, c’est l’affaire du Amazing Keystone Big Bang qui n’en est pas à son coup d’essai en matière d’adaptation jazz des grands classiques : on se souvient encore de leur réjouissant Pierre et le Loup et le jazz. Ici, chaque bestiole est associée à un instrument et un style de musique : saxophone et mazurka pour les tortues, tuba et valse pour l’éléphant, trompette et funk pour la basse-cour, flûtes traversières et samba pour la volière... C’est à l’origine un concert-spectacle créé au festival Jazz à Vienne le 26 juin 2015.

Paroles, musique, interpréation : Usmar et Tony Melvil

Deux nouveaux venus sur le terrain de jeu de la chanson jeune public, pour une heureuse rencontre entre Usmar, chanteur plutôt porté vers les machines, et Tony Melvil, chanteur et étrange alchimiste des plus belles influences de la chanson française. Ce mix de personnalités conduit aussi bien à un guitare/voix dans la plus pure tradition du jeu des mots dans Annabelle Œil qu’à Pirate, à base de samples, beat et scratch. Petit ou grand, on s’amuse beaucoup, dans un bain musical actuel.
La surprise avec ce disque c’est aussi la façon rare avec laquelle les artistes s’adressent aux enfants en gardant leur position d’adulte : Tu te souviendras énumère avec délice les inoubliables objets de la chambre d’enfants ; Dans tes yeux sont les paroles du grand à son petit : « Dans tes yeux, dans tes jeux, je revis. » Tony Melvil et Usmar vont même jusqu’à inciter à ne pas taire ce qu’il y a de pire avec la chanson Rien de pire. Tony Melvil vient de remporter le prix des Bravos Pros du festival Alors Chante ! à Castelsarrasin. Quand je serai petit est aussi à voir sur scène.

Jean Andreo et les Flextribu

Le disque commence par une météo marine : les intonations de la présentatrice sont transcrites mélodiquement et doublées instrumentalement comme le faisait en son temps René Lussier. La suite tient du slam, de la voltige linguistique, de l’improvisation où les mots viennent en rafale, de la slamisation rythmique d’un manuscrit dont il manque une syllabe sur deux et où le grand vent force 10 sur l’échelle de Beaufort bouscule tous les phonèmes. Il y a d’évidentes parentés avec les jeux de mots d’André Minvielle, les constructions oulipiennes de Raymond Queneau, les discours du collège de Pataphysique, les montages surréalistes de Max Ernst, les jeux sonores de Rebotier ou Aperghis. Une mention spéciale pour le n° 5, qui a donné le titre de l’album. Ça ne ressemble à rien d’habituel pour le jeune public, c’est justement ce qu’on peut appeler une démarche créative à laquelle s’est associé le gotha musical de Chambéry. (Précision : le gotha désigne le relevé des noms de familles faisant partie de l’aristocratie, mais aussi l’avion de bombardement utilisé par les Allemands pendant la Première Guerre mondiale. Définition à choisir ou à cumuler pour ce CD. La météo finale fait entendre d’ailleurs un orage venu de loin annonçant une destruction ravageuse…).

Texte : Claude Clément
Narration : Didier Sandre
Musiques issues du Concert royal de la nuit d’après le Ballet royal de la nuit
Interprétation : l’ensemble Correspondances
Direction : Sébastien Daucet
Illustrations : Nathalie Novi

S‘il fallait attribuer un genre à cette édition, on pourrait parler de « roman musical et chorégraphique historique ». Le centre de l’événement est l’organisation par Mazarin du Ballet Royal de la Nuit pour célébrer le retour de Louis XIV, encore adolescent, après les années de Fronde qui avaient imposé à lui et à sa mère, la régente Anne d’Autriche, de prendre un peu le large. Le récit est sobre, toute la place est donnée à la musique, avec une mise en scène imaginaire de ce que pouvaient être les fêtes de l’époque. Le livret est à la hauteur de cette audition flamboyante : un véritable objet artistique pour enfants bibliophiles. Il contient en outre en final une excellente présentation de la « véritable histoire » des personnages et des événements qui ont agité la famille royale. Un superbe cadeau pour ceux qui aiment la musique baroque comme pour ceux qui ne la connaissent pas et ne se doutent pas qu’ils peuvent l’aimer aussi.

Texte et chansons : Syrano

Le chanteur annonce le grand spectacle de cirque où vont se succéder acrobates, contorsionniste, dompteur, lanceur de couteaux, prestidigitateur, fakir. Avec ensemble de cuivres à l’appui. Et à l’affiche, pour chaque numéro, un(e) artiste accompagne le présentateur : Karimouche, Aldebert, Wally, Mell, Monsieur Roux, etc. Syrano les invite parce qu’ils font partie de la famille du spectacle, et leur donne à jouer leur rôle habituel dans le domaine artistique : Karimouche la contorsionniste qui se joue des mots, Mell qui peut marcher sur des braises comme le fakir, Wally le funambule chantant au dessus des conventions académiques. Et comme le clown triste qui regarde d’un œil lointain ce spectacle, les chansons sont amères, telle celle sur l’échassier, l’assistante du lanceur de couteaux, les siamoises, le funambule.
Tous les textes sont indissolublement au premier et au second degré, et c’est la force de ce disque de ne pas être simplement ce qu’on croit. Comme si l’on assistait dans les coulisses à la vraie vie de ces artistes du grand spectacle. Une très belle écriture, une belle collaboration, de belles musiques, une belle interprétation : bravo l’artiste !

Texte : Carl Norac
Narration : Irène Jacob
Interprétation : Ensemble Le Concert Idéal et Marianne Piketty
Direction artistique : Cécile Jacquemont
Illustrations : Laurent Corvaisier

Deux enfants perdus. Ils ont un pouvoir magique. Mais ils ne le sauront que peu à peu, le temps de vivre quelques aventures. On découvre rapidement que l’intérêt de ce livre-CD n’est pas dans l’histoire mais dans la présentation musicale à des enfants de deux compositeurs immenses à travers deux œuvres rassemblées par un titre similaire : les Saisons. Le livre est superbe, tant par ses illustrations que par les notices sur chacun de ceux qui sont intervenus dans sa fabrication. Si Vivaldi, pour beaucoup de familles, ne sera pas une découverte, les Cuatro Estaciones de Piazzolla le seront certainement davantage, ce qui est une idée musicale généreuse de ne pas se cantonner à un répertoire connu. (Une notice rappelle utilement que Vivaldi est également tombé dans l’oubli après sa mort, avant de revenir en gloire deux cents ans plus tard). On est reconnaissant à l’éditeur d’avoir donné l’œuvre intégrale d’Astor Piazzola en final de la publication. Le livre fournit des notices claires et fort bien synthétisées sur les compositeurs, les instruments, les musiques et tous ceux qui ont participé à la réalisation de l’ouvrage. On ne pouvait mieux célébrer le printemps 2016 qu’en ouvrant un cycle qui conduira, saison après saison, jusqu’à l’hiver prochain.

Texte et chansons : Merlot
Narration : Reda Kateb
Illustrations : les Sœurs Chevalme

Avec Merlot, Marcel (le super-héros), le petit livreur de pizza (le héros en devenir), les sœurs Chevalme (à l’illustration) et Reda Kateb (à la narration), c’est désormais tous les jours Noël ! Ce livre-CD qu’on écoutera/lira toute l’année, démontre avec brio, humour et style que cet exercice conduit à une œuvre en soi et pas seulement un disque + un livre. Merlot, ex-chanteur du groupe Reggae Baobab, et auteur-interprète de chansonsraggaoldschool uniques, a aussi offert au jeune public et à leurs parents assurément, plusieurs livres-CD et spectacles ces dernières années. Il confirme ici qu’il a définitivement la classe internationale : belle plume et rimes inattendues, sens de l’observation, orchestrations balèzes, sous une apparente nonchalance. Dans un décor urbain, se trame la rencontre entre Marcel, père Noël au bord du burn-out, et le petit livreur de pizza qui rêve d’un métier merveilleux qui rend les gens heureux. Ils font le même métier ! Ils vont pouvoir s’entre-aider surtout quand le père Noël se casse la jambe le 24 décembre… L’histoire slalome entre les chansons super drôles (dont le tube Ouali Pizza, à écouter sur place ou à emporter d’urgence) ; sur fond de pages noires dans lesquelles s’incrustent les illustrations naïves et virtuoses aux crayons de couleur des très talentueuses Sœurs Chevalme. Une occasion de découvrir ces sœurs jumelles, artistes plasticiennes proches de monde musical.

Texte : Roald Dahl
Traduction : Janine Hérisson
Lecture : Dominique Pinon

Né en 1916 au sein d’une famille norvégienne immigrée en Angleterre, Roald Dahl raconte les vingt premières années de sa vie. Comme dans ses œuvres de fiction, le récit est enlevé, la plume alerte et l’humour toujours sous-jacent. L’épisode de la souris morte dans le pot de confiserie constitue à lui seul un morceau d’anthologie. Les lecteurs de Charlie et et la chocolaterie, Fantastique maître renard et Les deux gredins ne seront pas déçus : ils retrouveront dans ces mémoires des personnes (l’horrible M^me Pratchett) ou des lieux (la chocolaterie Cadbury) qui ont inspiré Roald Dahl dans ses romans. Dominique Pinon est parfait : il met dans sa lecture sobre juste ce qu’il faut d’humour et de malice pour nous faire goûter le sel de ce récit qui se situe à une époque où il n’existait pas d’antibiotiques et où on pratiquait couramment les châtiments corporels dans les établissements scolaires britanniques. Le texte a été publié une première fois en France en 1985.