Sélection Musique contemporaine 2020
C’est à 21h25 le 27 janvier 2020 sur France Musique, dans l’émission « Le Concert du soir » par Arnaud Merlin et avec la participation d’Omer Corlaix, coordinateur de la commission Musique contemporaine de l’ACC que seront dévoilés et présentés les 10 Coups de cœur 2020 élus par la commission
après écoute de l’ensemble des 67 nouveaux disques de musique contemporaine publiés en 2020, et quelle que soit leur origine dès lors qu’ils sont accessibles au public en France.
L’émission peut être réécoutée (à partir de 1h25 pour les impatients)
La commission :
Jérémie Bigorie, Pierre-Albert Castanet, Gilles Charlassier, David Christoffel, Omer Corlaix (coordinateur), Alain Fantapié, Laurent Feneyrou, Romaric Gergorin, Guillaume Kosmicki, Jean-Guillaume Lebrun, Alain Louvier, Arnaud Merlin, Michèle Tosi]
L'actualité des Coups de cœur
Disques
Franck Bedrossian
Twist, Edges, Epigram
Kairos , 0015042KAI, 2019
Duo Links, Donatienne Michel-Dansac, soprano, Klangforum Wien,
Orchestre de la SWR, Emilio Pomarico, Alejo Perez, direction, Kairo
La rencontre avec la poésie d’Emily Dickinson et le travail sur le texte ouvrent une brèche dans l’imaginaire de Franck Bedrossian qui conçoit, avec le triptyque Epigram, l’une des œuvres les plus abouties de son catalogue. Excès d’énergie et matière sonore incandescente forgent un espace de tension essentiellement mouvant dans Twist où des échos floutés de jazz, dont Bedrossian n’a jamais renié la bénéfique influence, affleurent. La troisième pièce de l’album, Edges, convoque le duo Links (Laurent et Rémi Durupt) dans une exploration sonore aussi gourmande que jubilatoire menée avec une frénésie du geste qui galvanise.
Aurélien Dumont
Tide
NoMadMusic NMM081
Hélène Fauchère, soprano, Ensemble 2e2m, Pierre Roullier, direction
Tide, troisième monographie consacrée à Aurélien Dumont, fascine immédiatement par la finesse et la diversité de ses sonorités. Au travers de trois œuvres pour ensemble, le disque présente trois facettes de son écriture : dans un rapport au pur sonore instrumental avec Flaques de miettes ; en interaction avec la poésie d’Emily Dickinson sur Âpre bryone, avec la voix d’Hélène Fauchère ; et dans son lien à l’image, développé dans Baïnes, pour ensemble avec ou sans vidéos silencieuses de Jennifer Douzenel. Richesse, sensualité et plaisir sont les maîtres-mots du travail d’Aurélien Dumont, magistralement porté par l’Ensemble 2e2m d’un bout à l’autre de l’album.
Toshio Hosokawa
Gardens
Kairos 0015017KAI
Drawing pour huit musiciens (2004), Ukho Ensemble Kyiv, Luigi Gaggero, direction
Bien qu’appartenant à une génération postérieure, Toshio Hosokawa (*1955) a emprunté la même trajectoire que son aîné Toru Takemitsu : après s’être émancipé, un premier temps, de son pays d’origine, il finit par renouer avec ses racines sur les conseils de son professeur Klaus Huber. Gardens est une monographie rassemblant cinq œuvres allant de 2001 pour Voyages V qui conclut le CD, à 2012 pour Nachtmusik à la mi-temps du CD.
La respiration - celle du soliste (excellent flûtiste Mario Caroli), mais aussi de la musique elle-même, très organique de Toshio Hosokawa - joue un rôle essentiel. Également à la direction de l’Ensemble ukrainien Ukho de Kiev, d’une parfaite justesse de ton, Luigi Gaggero tient la partie de cymbalum dans Nachtmusik, une pièce à la fois dense et atmosphérique, où l’instrument s’émancipe du folklore tzigane pour investir tout un espace de résonances.
Ce disque confirme l’excellence du travail du label Kairos mais aussi des choix opérés par l’ensemble Uklo et de son directeur musical dans l’articulation bien composée des œuvres.
François-Bernard Mâche
Pluie d'or
L’Empreinte digitale, ED13257, 2019
Ensemble Musicatreize, Roland Hayrabedian, direction
François-Bernard Mâche (*1935) incarne en musique la tradition humaniste occidentale. Il a un Diplôme d’étude supérieur d’archéologie grecque, est agrégé de lettres classiques, membre de l’Académie des Beaux-Arts de l’Institut de France, Docteur honoris causa de l’Université d’Athènes… Cette monographie, Pluie d’or, éditée par le label L’empreinte digitale, évoque le mythe de Danaé, titre éponyme d’une œuvre de François-Bernard Mâche pour 12 voix solistes et percussions, créée en 1970 par les solistes des chœurs de l’ORTF au festival de Shiraz en Iran. Ce nouvel enregistrement est mis en perspective par l’Ensemble Musicatreize dirigé par Roland Hayrabedian en relation avec d’autres œuvres comme Safou Mèlés [vers de Sapphô] de 1959 pour contralto solo, huit voix de femmes et neuf instrumentistes, véritable cryptogramme musical. Heol Dall mêle cette fois-ci des textes de de la compositrice Sapho et du poète Novalis. Invocations qui conclut cette odyssée musicale, est une œuvre récente commandée par le CIRM de Nice et créée au Manca en 2017 à partir de papyrus magiques de l’Égypte hellénistique. Musicatreize donne à cette monographie consacrée à l’œuvre de François-Bernard Mâche, toute sa cohérence et toute l’ampleur musicale qu’elle nécessite.
Paul Méfano
Luftklang, compositions 1971-2013
ACEL, ACEL 015, 2020
Paul-Alexandre Dubois, voix, Pierre Strauch, violoncelle, Jacqueline Méfano, piano, Louise Jallu, bandonéon
C’est le dernier CD gravé par le label ACEL de Paul Mefano (1937-2020) avant son départ, en septembre dernier, vers d’autres rivages. Ayant fondé en 1972 l’Ensemble 2e2m, il a commandé et dirigé plus de 400 œuvres. Son catalogue en tant que compositeur est considérable. La proposition d’œuvres de Paul Mefano que nous propose le compositeur Gérard Pape, va de 1974 pour They à 2014 pour Der Geier [Le Vautaur], celui-ci étant l’esquisse d’une nouvelle extraite du Journal de Kafka. L’électronique, et la voix enregistrée et chantée, caractérisent cette monographie. Deux des œuvres sont des commandes du CCMIX de Iannis Xenakis, Ashem et Luftklang, qui donne son titre au CD, « le son de l’air ». Ces différentes œuvres électroacoustiques sont séparées par Tronoën pour violoncelle et trois petites miniatures vocales, issues du cycle Les instantanées. La voix de Paul-Alexandre Dubois et les interprètes instrumentaux Pierre Strauch, Laurent Bômont et Louise Jallu nous délivrent un message musicale intense, celle d’un compositeur toujours à l’affût d’un nouvel horizon sonore.
Olga Neuwirth
…miramondo multiplo...
Kairos, 0015017KAI, 2019
Remnants of Songs… An Amphigory, Masaot/Clocks without Hands, Hakan Hardenberger, trompette, Antoine Tamestit, alto, Orchestre des Jeunes Gustav-Mahler, Orchestre de la Radio de Vienne, Orchestre philharmonique de Vienne, Ingo Metzmacher, Susanna Mälkki, Daniel Harding, direction
Radicalement, le monde musical d’Olga Neuwirth déconstruit nos expériences quotidiennes, les exagère, par l’artifice, l’ironie ou l’exaltation délétère, et découvre, sous leur banalité, le mirobolant, l’alarmant. C’est un monde à vif, fait de crises et d’états turbulents, de tensions entre art, rêve et souvenir, entre intense lyrisme et césure abrupte, entre l’effroi et un rire comme état d’exception, au-dessus des lois qu’il suspend, ou comme résistance à l’angoisse et à ce qui se cache derrière elle : l’autre, l’inconnu, le lointain.
Anthologies
Berio, Bussotti, Donatoni, Maderna
Dialodie
Hortus 176, 2020
Duo Controversia (Aurélie Bouchard, Sergio Menozzi et invités)
Sur le papier, Dialodie est un recueil de pièces de compositeurs italiens composées entre les années 1950 et 1980. A l’écoute, le disque organise un parcours qui, par un soin constant dans les alliages de couleur, tient la tension du discours au point que chacune des œuvres choisies offre une part décisive de sa nécessité vitale à la suivante.
Gérard Grisey, Tristan Murail, Fausto Romitelli, Franck Bedrossian, Robin
J'ouïs
L’Empreinte digitale ED13260, 2020
Multilatérale, Léo Warynski, direction
Il y a la musique qui, d’une architecture franche, s’impose avec une immédiate évidence, et il y a celle qui s’insinue, suggère plus qu’elle n’affirme, dessine ce qui ne peut qu’être imaginé. C’est cette musique qui fait tendre l’oreille que défendent dans ce disque Léo Warynski et l’Ensemble Multilatérale. De Grisey et Murail à Bedrossian et Robin en passant par Romitelli, ils éclairent avec une souplesse virtuose, avec une sensualité vertigineuse, les au-delà résonants du son.
Pesson, Borowski, Juon, Žuraj, Staud, Rihm
As if
Bastille Musique, BM9, 2019
Boglarka Pecze(clar.) ; Eva Boesch (vlc), Sun-Young Nam(p.)
Catch Sonata de Gérard Pesson déploie son art des emboitements poétiques dans lesquels il agence avec un raffinement ludique un portrait de l’idée musicale en train de surgir puis s’enfuir. On y retrouve la féérie scintillante d’un créateur toujours sur la corde raide pour atteindre une poétique du déséquilibre. As if de Johannes Boris Borowski alterne hésitations et explorations de toutes virtualités instrumentales. Chrysanthemum de Vito Zuraj place la clarinette au centre d’une dérive harmonique à laquelle se confrontent les distorsions du piano et du violoncelle. Wasserzeichen de Johannes Maria Staud joue avec le filtrage du son généré par chaque instrument. En complément, une valse de Wolfgang Rihm et la luxuriance brahmsienne de Paul Juon.
Stroppa, Ravel, Nante, Jolivet, Schoeller
« Invocations » : Concours d’Orléans Live
B-Records, LBM022, 2019
Marco Stroppa, Maurice Ravel, Alex Nante, André Jolivet, Philippe Schoeller.
Maroussia Gentet, piano
Repérée en 2016 avec un disque partagé entre Dutilleux et Szymanowski, Maroussia Gentet s’est pleinement révélée deux ans plus tard au Concours international de piano d’Orléans. Avec son jeu à la fois énergique et raffiné, la jeune pianiste s’est aussi imposée par la conception de ses programmes. Enregistré sur un piano aux résonances inouïes - l’opus 102 de Stephen Paulello - « Invocations » tisse un lien subtil entre Ravel et Jolivet, et les pièces récentes de Philippe Schoeller, Marco Stroppa et Alex Nante.