Sélection Musique contemporaine 2019

Les Coups de Cœur musique contemporaine sont annoncés dans l’émission du 22 janvier « Le Concert du Soir » sur France Musique d’Arnaud Merlin, en « après-concert », entre 21h30 et 22h30 avec la participation d’Omer Corlaix.

L’émission peut être réécoutée en podcast (à partir de 1h53 pour les impatients)

La commission :
Jérémie Bigorie, Pierre-Albert Castanet, Gilles Charlassier, David Christoffel, Omer Corlaix (coordinateur), Jean-Pierre Derrien, Alain Fantapié, Laurent Feneyrou, Romaric Gergorin, Guillaume Kosmicki, Jean-Guillaume Lebrun, Alain Louvier, Arnaud Merlin, Michèle Tosi

« Le Concert du Soir » sur France Musique d’Arnaud Merlin

The Exterminating Angel

Thomas Adès

Erato

Livret et mise en scène : Tom Cairns
Réalisation : Gary Halvorson

Adaptation de L’Ange exterminateur, film mexicain de Luis Buñuel sur la vacuité de notables empêchés mystérieusement de quitter un dîner, cet opéra nocturne baigne dans une atmosphère délicieusement équivoque. Il offre à Thomas Adès un canevas idéal pour exprimer les potentialités surréalistes de son style chatoyant, grâce notamment à l’inquiétante étrangeté des Ondes Martenot et une écriture vocale plus que jamais au service d’une expressivité de tous les instants. L’univers cinglant de Buñuel, métaphysique et contradictoire, est fidèlement restitué et même élargi par un compositeur au sommet de ses facultés opératiques.

Romaric Gergorin

Inconnaissance

Séverine Ballon

allthatdust

Violoncelliste émérite, improvisatrice reconnue et désormais compositrice assumée : à force de collaborer étroitement avec les compositeurs de sa génération, il était logique que Séverine Ballon se lance dans l’aventure. Cette musicienne dotée d’une curiosité sans limites recueille aujourd’hui les fruits de son travail sur les ressources de l’instrument, la « physicalité » du jeu, et le développement de l’écoute intérieure. Jouer, improviser, composer : trois facettes d’une seule et même démarche.

Arnaud Merlin

Street-Art

Régis Campo

Signature/Radio France

Ensemble TM+, Laurent Cuniot, direction

Si on se fie au catalogue de la BNF, c’est le quatrième CD monographique, le plus ancien est de 2002, c’est son deuxième disque réalisé sous le label Signature de Radio France. Street-Art composée entre 2015 et 2017 ouvre le CD, elle est le pendant de Pop-Art composé entre 2001 et 2002. Avec cette dernière œuvre, Régis Campo, s’était imposé dans le paysage musical contemporain. Ici, il réitère son geste musical grâce à une musique très rythmée, énergique et colorée. Le ton est donné ! L’Ensemble TM+ que dirige Laurent Cuniot est à la hauteur du projet. L’enchaînement des œuvres nous offre un petit concert d’une heure de musique bien articulée. Un modèle du genre ! La prise du son réalisée par les ingénieurs de Radio France sous la direction artistique d’Étienne Pipard est remarquable. Un disque de référence.

Omer Corlaix

Visio

Édith Canat de Chizy

Solstice

Visio s’appuie sur un texte d’Hildegarde von Bingen. Ecrite pour six voix mixtes, ensemble instrumental et électronique, la partition relève du délire organisé en mêlant le latin à la traduction française, le parler au chanter. La musique d’Edith Canat de Chizy (*1950) a gagné en mobilité, la plasticité du matériau atteignant une ductilité fascinante à laquelle la direction ad hoc de Léo Warynski n’est pas étrangère. Une vertu qu’on peut mettre au crédit de sa fréquentation des studios de l’Ircam, inaugurée par Over the sea (2012). Mais ce qui pouvait paraître alors un rien contraint innerve à présent le tissu orchestral : en témoigne notamment le début de Missing, qu’on croirait produit par l’ordinateur ; il s’agit pourtant de l’Orchestre national de France, avec la violoniste Fanny Clamagirand en soliste. Dans La Ligne d’ombre, où le fort sentiment d’expectative naît de l’opposition entre l’écriture horizontale des cordes et les scansions verticales des percussions, l’interprétation très dramatique de David Zinman à la tête de l’Orchestre Français des Jeunes s’impose comme la référence. Compléments de programme chambristes : aux textures pointillistes du Quatuor n° 4 articulées par les van Kuijk répond l’émouvant Lament pour alto seul, magistralement déclamé par Christophe Desjardins. La compositrice Edith Canat de Chizy a été Prix du Président de la République de l’Académie Charles Cros en 2016.

Jérémie Bigorie

Piano works

Ramon Lazkano

Kairos

par Gómez Alfonso.
Piano : Marta Zabaleta, Bilbao Symphony Orchestra
Dir. Ernest Martínez Izquierdo

Interprète privilégié de Ramon Lazkano depuis dix ans, Alfonso Gómez livre avec Piano Works un bilan de leur collaboration, dans lequel le piano solo prend la part belle. Les œuvres présentées dans ce disque soigné et raffiné couvrent une période de près de vingt-cinq ans, s’ouvrant sur le concerto Hitzaurre Bi (1993). L’interprète fait preuve d’une belle maîtrise sonore et d’une grande expressivité pour servir ce répertoire qui, à l’évidence, le touche profondément. Son amour et son engagement dans l’écriture pianistique de Ramon Lazkano sont palpables dans un disque qui en reflète les multiples couleurs avec la juste mesure.

Guillaume Kosmicki

Reliquien

Jacques Lenot

L’oiseau prophète

Raphaël Duchateau, trompette, Julien Blanc, piano

Jacques Lenot crée des agencements proliférant pour construire des pièces flottant dans l’espace comme des blocs de spiritualité. Inscrire un souvenir dans un dispositif pour conserver ce que le temps dissout semble être la finalité du compositeur qui met pour cela un piano à l’os en écho d’une trompette. Cet art de l’épure laisse s’échapper quelques mélodies dans une boucle de vide parfait, pas si éloignée des évidements d’un Morton Feldman, mais avec un supplément de chair et d’onctuosité raréfiée, comme si Lenot, à travers sa musique, s’adressait aux forces d’inertie du temps et de l’oubli pour leur dire : « encore un peu de volupté, monsieur le bourreau.

Romaric Gergorin

Le Chant de la Création et autres œuvres

François Meïmoun

Triton

« Le premier homme chante pour donner un seuil à cette perte, pour fixer une crête à ses horizons. » nous dit François Meïmoun dans sa préface. Son premier CD monographique est empreint du poids des drames des siècles passés. Le Chant de la Création, titre même du disque, est une œuvre orchestrale au ton prophétique, au geste ample, voire dramatique. Le dernier mouvement de cette quasi « symphonie », La Lumière, n’est pas plus rassurant, les horizons de l’homme sur la crête semblent bien obscurs. C’est la sincérité du ton musical qui nous saisit, et emporte la conviction de l’auditeur. François Meïmoun a rassemblé une pléthore d’artistes de Roger Muraro dans La Danse, selon Matisse, aux quatuors à cordes Ardeo dans son Premier Quatuor et Tana dans Le Livre des songes, son cinquième quatuor, sans oublier les pianistes Vanessa Wagner et Marie Vermeulin dans La Danse du Peyotl. Certes la fête est finie mais la musique demeure !

Omer Corlaix

Rains, Hosokawa / Kishino / Taïra / Takemitsu

Les Percussions de Strasbourg

Percussions de Strasbourg

C’est un programme envoûtant que proposent Les Percussions de Strasbourg avec ce disque Rains consacré à quatre compositeurs représentant trois générations de musique contemporaine japonaise. Sur le thème de la pluie sont réunies des œuvres de Tōru Takemitsu, Yoshihisa Taïra, Toshio Hosokawa et Malika Kishino, la plus jeune d’entre eux. Ce disque est enregistré avec un grand soin et l’auditeur est plongé au cœur d’une matière sonore extrêmement colorée dont le spectre et la spatialisation sont parfaitement restitués. Comme une longue cérémonie, ce programme bien pensé et équilibré est mené avec brio par Les Percussions de Strasbourg, une institution qui, depuis 1962, a réussi à se réformer continuellement pour s’imposer encore et toujours au cœur de la création contemporaine. Une réussite indéniable.

Guillaume Kosmicki

Action music pieces

Lucia Ronchetti

Kairos

Réunissant cinq opus que Lucia Ronchetti a écrites entre 2012 et 2015, l’album Action music pieces, publié par le label Kairos, fait entendre un panorama où la création musicale se double d’une authentique expérimentation dramaturgique. Si elle s’adosse souvent au répertoire ou à des œuvres littéraires, l’inspiration de la compositrice italienne explore toutes les ressources, jusqu’aux rumeurs urbaines de Johannesburg, pour donner à son écriture théâtrale des sons et des notes une vitalité inventive et jubilatoire, sinon exubérante, que les interprètes, de l’Intercontemporain à l’Orchestre della Toscana, en passant par le percussionniste Christian Dierstein, ne manquent pas de relayer.

Gilles Charlassier

Pages électriques

Christelle Séry

Onze Heures Onze

Liao, Naegelen, Séry, Combier, Momi, Pattar, Christelle Séry, guitare électrique

On connaît la place de la guitare électrique dans la musique populaire, du blues au rock en passant par le jazz. Mais cet instrument aux riches potentialités sonores et dynamiques est aussi très apprécié des compositeurs d’aujourd’hui. En témoigne ce florilège réuni par une des meilleurs spécialistes de l’instrument, la guitariste Christelle Séry, elle-même signataire d’une pièce en forme de subtil jeu d’ombres, aux côtés de Lin-Ni Liao, Karl Naegelen, Jérôme Combier, Marco Momi et Frédéric Pattar.

Arnaud Merlin