Sélection Parole enregistrée et Documents sonores 2023

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transcrits et racontés par Leili Anvar

On connaît Leili Anvar écrivaine (ouvrages consacrés au poète Rumi, aux figures spirituelles Malek Jan Ne’Mati et Ostad Elahi, etc.), traductrice (Le Cantique des Oiseaux de ’Attar et Leily et Majnûn, de Jámi, éd. Diane de Selliers ; Le Cri des femmes afghanes, anthologie poétique, éd. Bruno Doucey, etc.), femme de radio (elle a animé et coproduit des émissions sur France Culture et de nombreux podcasts sont disponibles sur son site), enseignante à l’INALCO et conférencière. On la sait peut-être moins récitante et conteuse. Une parcours somme toute logique tant est puissant son engagement pour la défense des paroles de sagesse, de paix et de concorde. Porter ces paroles sur une scène ou les fixer sur un support tel ce coffret de 3 cédés relève de cette démarche.
Les quelque 40 contes réunis dans ce coffret ont pour la plupart été édités dans l’ouvrage Contes des sages persans, Seuil, 2019. Ils ont été retranscrits par Leili Anvar elle-même, c’est dire si elle les connaît bien. Chaque conte est introduit par une « virgule » musicale différente, interprétée par Karol Beffa et la formule (dite en persan puis en français) : « Il était une fois et il n’était pas, sous la voûte azurée au pays d’autrefois... ». La voix de la conteuse sait faire entendre avec aisance toutes les nuances que nécessite le récit, de la tendresse à l’ironie, du pragmatique au fantastique. La voix joue, s’amuse, se désole, invective. En un mot : séduit.

www.fremeaux.com

Sélectionné pour le Grand Prix 2024 des lycéennes et des lycéens

Le camion qui pue, la vallée calcaire côté nord, Poële-Fourchette au fond de la forêt dans sa tente igloo, les trous noirs, « la voix qui pointe du doigt »...

Au rythme des multiples propositions musicales de Cerf, son complice, David Sire crée un univers bien à lui, entre réalité(s) et fantasmagories. Cette histoire (mais en est-ce une ?), c’est un pas de côté dans la vie d’un artiste, partant de son quotidien sur les routes pour aboutir à cette improbable rencontre avec « le Tordu ». Grutier ? Sociologue ? Prêtre ? Envoyé de Dieu ? Un double de l’artiste en quelque sorte. En tout cas, une rencontre qui (ra)mène à l’enfance, et à « Vous les étranges, les étrangers / Vous les tordus, les sans-trophées / Vous les passeurs d’obscurité ». La voix parle, murmure, crie, se fait diable ou ange, chante aussi. Les deux CD sont inclus dans l’écrin d’un livre à épaisse couverture cartonnée, livre riche des dessins de Baudoin, autre complice, et de l’intégralité du texte, chaque « chapitre » s’affichant en lettres blanches sur un éclat orange au cœur du noir.

www.davidsire.com

Sélectionné pour le Grand Prix 2024 des lycéennes et des lycéens

On connaît l’engagement de Cyril Dion, militant écologiste et activiste climatique, réalisateur (avec Mélanie Laurent) du documentaire Demain (2015) et réalisateur d’Animal (2019), poète (chez Actes Sud), romancier.

En 2019, il crée le spectacle Résistances poétiques, avec le guitariste et compositeur Sébastien Hoog. En mars 2023 paraît l’ouvrage chez Actes Sud mêlant les 15 poèmes, la musique et des œuvres d’artistes contemporains tel.les Prune Nourry, JR, Rachid Koraïchi, Ernest Pignon Ernest, Anouk Grimberg... Le même mois sort le disque.

« Au commencement il n’y avait pas de monde à changer. »

Les 15 poèmes dus à la plume alerte et en alerte de Cyril Dion dénoncent, pêle-mêle, la pub à outrance, la vitesse excessive du monde, la ruine de Detroit, ville abandonnée, le monde recouvert « de mélasse grise », l’aveuglement dans lequel nous sommes, pour bien nous dire que le monde a changé, et qu’il est à changer. Mais « Nous pouvons nous tenir / dans le plus grand bonheur qui soit ». Il suffit de le vouloir pour le pouvoir.
La voix et la musique, qui déroule ses accents rock à la Patti Smith, s’accordent à merveille dans une œuvre qui pourrait sembler désespérante mais qui se veut avant tout un appel, un cri, pour réveiller les endormi.es que nous sommes, parce que « nous sommes là, ensemble / Nous sommes ceux / que nous attendions ».
Les rares plages sans musique, dont « Un Rêve », donnent à la voix nue et chaude de Cyril Dion l’occasion de toucher au plus profond et au plus juste.

www.resistancepoetiques.com

Sélectionné pour le Grand Prix 2024 des lycéennes et des lycéens

Avec Nathalie Koble

 Trobairitz ? Quezako ?
 C’est le féminin de « troubadour ».
 C’est donc que les troubadours n’étaient pas que des hommes ?
Ce CD (et quelques publications nommées en fin de livret) vient le rappeler fort à propos pour qui cherche à redonner aux femmes de toutes les époques et de tous les domaines, arts ou sciences, les places qui leur reviennent (les Journées du Matrimoine, initiées par le réseau HF Île-de-France - hf-idf.org/le-matrimoine - est un des acteurs - ou plutôt une des actrices - de ce mouvement de reconnaissance).
Nathalie Koble, poétesse (Extérieur chambres, éd. Nous, 2022), professeure de langue et de littérature médiévales à l’ENS (Paris) et professeure de langue française à l’École polytechnique (Palaiseau), a sélectionné 24 cansos (chants lyriques courtois) et tensons (dialogues poétiques) de formes diverses (alba, balada, planh, etc.) dus à une vingtaine de trobairitz, poétesses en langue d’oc dans la Provence des XII^e et XII^e siècles.

Si la voix dominante est celle de la comédienne Dominique Reymond - déjà récompensée par notre commission pour sa lecture du livre témoignage de Charlotte Delbo, Aucun de nous ne reviendra, des femmes–Antoinette Fouque, 2007 -, qui porte chaque poème avec conviction, d’une voix sensuelle, frôlant parfois le murmure pour nous amener au plus intime des mots et des sentiments exprimés, la voix voilée et discrète de Nathalie Koble intervient de temps à autre, dans cette langue d’oc d’origine, soit pour un (trop rare) poème entier, soit par bribes, pour bien montrer les racines de ces textes.
Des extraits, hélas trop courts, d’adaptation de mélodies médiévales interprétées par la regrettée Montserrat Figueras et le célèbre ensemble de Jordi Savall, Hespèrion XX, tirés de Cansos de Trobairitz, EMI, 1990, ponctuent le CD et nous emmènent au plus près de ces femmes qui furent un temps les égales des hommes pour lesquels et parfois avec lesquels elles composaient textes et musiques.

www.desfemmes.fr

L’écoute en classe est autorisée par les éditrices.

Pages de souvenirs arrachées à une vie pleine (on commence dans l’enfance pour aller jusqu’à aujourd’hui, moment de tournage d’une scène de film, fausse fin suivie d’un retour à l’enfance), débordante, entre fantaisie et réalisme, lues avec truculence et tendresse, humour dévastateur (ah ! le chapitre « Pertes séminales » !) et mélancolie (mais sans regrets), de et par un comédien hors classe, dont on se sent proche tant son récit peut faire écho au nôtre. La voix et le don de la narration transcendent le texte déjà merveilleusement bien écrit qui est preuve d’un amour sans mesure de la langue.

Le livre est publié au Mercure de France, 2022

« Ce que j’ignorais c’est qu’un appareil photo m’attendait dans le désert du Ténéré. »

Appareils photos en bandoulière et ancrés à l’œil, Christine Spengler a arpenté le monde pour rendre compte, en tant que correspondante de guerre, de son état. Ses souvenirs, publiés sous forme de livre en 2006 aux mêmes éditions des femmes – Antoinette Fouque, nous emmènent du Tibesti de 1970 à l’Irak de 2003, pris sous les feux de la coalition qui renversera Saddam Hussein, de Belfast au Viêtnam, de l’Iran au Cambodge, de l’Afghanistan au Nicaragua, pays en guerre, souvenirs et photos où se mêlent, à l’horreur, la peur et la désolation, les jeux innocents de l’enfance et la joie d’une mariée dans les rues dévastées de Beyrouth, pour se terminer (provisoirement ?) sur l’évocation des colombes blanches peintes sur une toile de tente de la jungle de Calais, en 2016.
Christine Spengler ne lit pas ses souvenirs : elle raconte. Et cette manière de faire nous donne à entendre le naturel de sa voix, nous rapproche d’elle et de son histoire qui a tant côtoyé celles de ces femmes, enfants et hommes qu’elle a fixés sur pellicule argentique.
Chaque plage s’arrête dans un pays. Le livret de photographies est là pour « visualiser » ces étapes d’un parcours hors normes.

L’écoute en classe est autorisée par les éditrices.
www.desfemmes.f

Préface d’Henri Gougaud

Pour raconter l’histoire des Cathares, le conteur ariégeois Olivier de Robert nous livre deux supports complémentaires : un livre de 120 pages et un CD de plus d’une heure d’écoute.
Nous disons bien complémentaires et non redondants. En effet, si les deux supports suivent la même trame narrative pour nous emmener au cœur du pays et de l’épopée cathares, le disque fixe avec bonheur la voix chantante du conteur, que scandent les neuf chants médiévaux interprétés par Céline Mistral, accompagnée par divers instruments (nyckelharpa, cornemuse, flûte, vielle à roue et percussions) maniés avec adresse par Fred Montels.
À l’écoute, on est au plus près de ces trois artistes dans le noir d’une petite salle de spectacle, captivés par cette sombre page somme toute méconnue de l’Histoire, suspendus aux mots choisis du conteur, qui, comme tout conteur qui se respecte, glisse ici ou là des adresses directes à l’auditoire, l’interpellant, le questionnant, sachant créer le lien qui crée l’écoute, l’attention et la compréhension.

www.oui-dire-editions.fr

La voix chaude et profonde de Guillaume Orsat convient parfaitement à ce roman tout imprégné du vécu de l’auteur, Christian Astolfi, qui entra à 16 ans comme apprenti à l’arsenal maritime de Toulon, sa ville natale, avant de devenir ouvrier charpentier tôlier, puis d’entreprendre des études d’ergonomie qui le conduisent à analyser le monde du travail.
Le lecteur, avec talent et empathie mais sans pathos, prend le temps de poser les mots, les phrases écrites à l’os, pour dire le monde du travail, sa cadence et son indifférence à l’individu, pour dire aussi la camaraderie, l’amiante qui tue lentement, la désunion, les procès qui relient, la désindustrialisation, la fin concomitante d’un monde et d’un paysage : « Nous avions compris que la disparition [des chantiers] ne serait définitive qu’avec notre extinction. »

http://www.multisonor.fr/de-notre-monde-emporte.html
Le roman est publié aux éditions Le bruit du monde, 2022

Le bon choix de l’éditeur : trois voix pour faire entendre ce conte cruel qui jette deux enfants (le Grand et le Petit) au fond d’un puits, métaphore des comportements humains, tant de ceux qui ont tout pouvoir sur l’enfance, que de ces deux-là, entre désespoir et faim, entre puanteur des corps et vaine tentative d’atteindre le ciel visible du fond du puits, entre rêves nocturnes et appels sans espoir.
Alexis Victor, en conteur hors pair, joue du rythme, du souffle et du murmure pour donner au texte toute sa dimension fantastique et pourtant si réaliste ; Samuel Charle donne au Grand le ton qu’il faut pour en imposer au Petit tout autant qu’il lui insuffle l’espoir ; Pauline Ziadé est le Petit, devenu « comète osseuse » à force de privations, voix enfantine mais que l’expérience endurcit tout en le laissant dans l’enfance.

https://www.multisonor.fr/le-puits.html
Le roman est publié aux éditions Denoël, 2014 ; format poche éditions 10/18, 2016

Sélectionné pour le Grand Prix 2024 des lycéennes et des lycéens

Olivier Cruveiller s’empare du dernier livre de Philippe Claudel, un des romanciers incontournables de la littérature francophone, qui est aussi réalisateur (le comédien a joué dans son premier film, c’est dire s’il connaît déjà son art de raconter des histoires). La voix de conteur rend parfaitement toutes les dimensions du roman, portrait d’une communauté jusque là sans histoires, oubliée aux confins de « l’Empire », dont le pouvoir s’affaisse peu à peu ; intrigue politico-policière ; réflexion sur le cours inexorable de l’histoire.

www.audiolib.fr

Le roman est publié aux éditions Stock, 2023

« La Teigne, c’est mon matricule et ma rage. Mon champ d’honneur. »
« Je me suis glissé dans sa peau et c’est son histoire que je raconte. Celle d’un enfant battu qui me ressemble. La métamorphose d’un fauve né sans amour, d’un enragé, obligé de desserrer les poings pour saisir les mains. »

À travers le destin d’un adolescent, Sorj Chalandon décrit la cruauté et la violence qui s’exerçait impunément dans le huis clos des prisons pour mineurs. Une terrible histoire ancrée en terre bretonne et inscrite dans le contexte de la montée des fascismes en France et en Europe.

« J’ai pactisé avec les mots et je les respecte. »

Un propos de l’auteur que pourrait reprendre Féodor Atkine, qui, au long des 10h42 que dure l’enregistrement, traduit de sa voix puissante, posée, toujours maîtrisée, la rage la plus brûlante, la haine, mais aussi une profonde tristesse, nous immergeant dans le monde sombre et cruel de l’Enragé. Une musique subtile ajoute à l’impact émotionnel de la lecture de ce texte au style tranchant, lyrique, magnifique.

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Le roman est publié aux éditions Grasset et Fasquelle, 2023

Sélectionné pour le Grand Prix 2024 des lycéennes et des lycéens

Quand une grande voix du théâtre français s’empare d’une grande œuvre du XX^e siècle.
Il fallait la qualité de narration, ce don de conteur de Thibault de Montalembert pour faire (re)vivre Brasse-Bouillon, l’enfant narrateur, ses frères, et la véritable guerre qu’ils mènent contre leur mère, « Madame Rezeau », surnommée Folcoche (contraction de folle et cochon), femme glaciale d’une sévérité sans mesure.

La voix du comédien joue sans excès de tous les sentiments qui traversent le roman, révélant toute la part d’humour parfois grinçant du texte subtil d’Hervé Bazin.

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Une anthologie sonore originale et inédite : 22 enregistrements qui furent parmi les premiers jamais réalisés se déroulent, sans commentaires. Des 9 secondes presque inaudibles d’Au clair de la lune gravées par Édouard Scott de Martinville en 1860, à Guillaume Apollinaire déclamant son « Pont Mirabeau » en 1913, un voyage dans le temps, celui des cylindres, des voix chevrotantes et des crachotements, grâce aux voix de Florence Nightingale, Enrico Caruso ou Sarah Bernhardt (seule artiste à avoir les honneurs de 2 titres !), du castrat Alessandro Moreschi ou d’Aristide Bruant, et de quelques pièces musicales, faisant « entendre » une « Danse hongroise » de Brahms ou une « Marche » non identifiée et fixée dans la cire en 1902.

Un pan de l’histoire du son, mais aussi de l’histoire tout court, puisque nous entendons aussi les voix de Thomas Edison, de Buffalo Bill ou du pape Léon XIII.

Un bonus de 4 plages donne à entendre les premiers essais de stéréophonie (dont du Wagner, du Brahms et une séquence Jazz), extraits d’une session EMI Studio, le 12 janvier 1934. Une autre étape dans la conquête du son, loin encore du numérique qui est notre unique référence actuelle.

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