Sélection Parole enregistrée et Documents sonores 2021

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La Commission a souhaité accorder un Coup de cœur spécial aux éditions Audiolib pour les premiers titres de sa collection Les Intemporels.
Déjà forte de quatre titres à la date de remise des Coups de cœur, celle collection hors normes donne l’occasion d’entendre des œuvres littéraires entrées dans l’histoire dits par des comédiennes et des comédiens de renom, que les enregistrements datent de quelques années (Barbara, Jeanne Moreau, Jean-Pierre Malo) ou qu’ils soient d’aujourd’hui (Denis Lavant, Jean Rouaud).

« Tous les remerciements au Jury de la part d’Audiolib, qui a été particulièrement sensible à ce coup de cœur pour notre collection des Intemporels : Nous avions été touchés par l’histoire de ces enregistrements que voulait préserver de l’oubli Thérèse Maillot, l’ayant droit de Claudine Ducaté, productrice d’origine et créatrice, dans les années 90, des Editions Ducaté, Thérèse était venue nous voir et nous avons découvert ces trésors du passé. Il a fallu prendre le temps d’étudier le catalogue, rechercher les éditeurs d’origine, les interprètes jusqu’à Montevideo (Dominique Sanda), racheter les droits, refaire des contrats. Les éditions Actes Sud ont également participé à ce "sauvetage", pour les auteurs à leur catalogue. Enfin restaurer le son et remasteriser, avec l’aide du studio Rosalie. Un travail d’équipe conduit par notre équipe que je remercie.
Parfois, découvrir que les droits n’étaient pas très clairs, ou les titres incomplets, comme pour l’enregistrement des Champs d’Honneur  : c’est pourquoi nous avons demandé à Jean Rouaud de revenir, trente ans plus tard, enregistrer la seconde partie, à la suite de Jeanne Moreau.
Enfin, trouver une identité graphique, grâce à Augustin Manaranche. Qui nous a plu et que nous avons utilisée ensuite pour publier d’autres intemporels, classiques contemporains, comme Les contes de la folie ordinaire de Charles Bukowski admirablement interprétés par Denis Lavant, enregistrés ce printemps, et d’autres qui suivront. »

Valérie Levy Soussan, éditrice aux éditions Audiolib

Jean Rouaud a fini l’enregistrement de la lecture de son propre texte, prix Goncourt 1990, initiée mais jamais terminée par la grande actrice Jeanne Moreau.

« Chers toutes et tous
Très touché que vous ayez honoré mes Champs d’honneur, lus en une seule séance, d’un trait, en fumant ses cigarettes, par Jeanne Moreau.
C’était devenu un incunable et connaissant les raisons qui avaient amené au retrait des cassettes (ça s’appelait comme ça, jadis), je m’étais résigné à ne jamais entendre cet enregistrement.
Donc merci aussi à Valérie Lévy-Soussan de l’avoir exhumé. Ecrire, c’est entendre des voix. Celle-ci, mieux que les images, nous rend présente, vivante, la Catherine de Jules et Jim. Que ma voix prenne le relais de la sienne, ça fait partie des cadeaux de la vie. Et le vôtre est une faveur enrubannée. Merci à vous. »

Jean Rouaud

La voix tellement reconnaissable de la dame en noir de la chanson française porte à merveille ces lettres du grand poète.

Rare au cinéma, présent de temps à autre à la télévision, Jean-Pierre Malo est avant tout homme de théâtre. C’est peut-être pour cela que la poésie de Stéphane Mallarmé lui va si bien. Si l’on connaît le nom du poète, combien l’on lut ?
Jean-Pierre Malo lui donne corps, parce qu’il fallait une voix incarnée à cette écriture trop peu (re)connue, que l’on dit absconse, parce qu’elle est en quête perpétuelle de modernité.

Dire son nom c’est retrouver Alex, l’alter ego de Léo Carax, mais aussi ces dizaines de personnages fantasques, drôles, surprenants, qui parsèment le cinéma, rôles trop courts et ne donnant pas toujours à mon sens la démesure de l’acteur. Heureusement, pour le voir et l’entendre sur la durée, il a eu Claire Denis (Beau travail), et encore Carax (Holy Motors) et quelques autres. Il y a aussi le théâtre. Et ces scènes de pure lecture, où la voix et le corps participent du même plaisir.
Et puis, pour nous, il y a eu ce texte à la mesure de cette démesure : Les Contes de la folie ordinaire, de Charles Bukowski.

Déjà Grand Prix en 2018, Karinn Helbert, compositrice et musicienne, s’est à nouveau emparé de poèmes de Saïd Mohamed, lus par elle-même et par trois comédiens. L’autre acteur important de cette œuvre est l’orgue Cristal Baschet, instrument rare dont Karinn Helbert sait tirer toute la richesse et la sensibilité.

Livret de Marie-Pierre Fernandes
Présentation de Marie-Christine Barrault

Un document essentiel pour l’histoire du théâtre : l’enregistrement d’extraits des répétitions de la pièce emblématique de Marguerite Duras avec ses comédiennes : Madeleine Renaud et Bulle Ogier. Le CD contient aussi un texte de et par Marguerite Duras sur le travail de l’artiste Roberto Platé.

A l’instar de Sarah Biasini, de Sylvie Germain et de François Morel, Delphine Horvilleur lit son propre livre. Qui mieux qu’elle aurait pu donner voix à cette intimité de ces confidences. « Tant de fois je me suis tenue avec des mourants et avec leurs familles. Tant de fois j’ai pris la parole à des enterrements, puis entendu les hommages de fils et de filles endeuillés, de parents dévastés, de conjoints détruits, d’amis anéantis… ».
Etre rabbin, c’est vivre avec la mort : celle des autres, celle des vôtres. Mais c’est surtout transmuer cette mort en leçon de vie pour ceux qui restent.

« J’arrivais de Rome hier et je suis à Nantes aujourd’hui. Impossible pour moi malheureusement de vous accompagner ce week-end.
Je voulais transmettre ma gratitude aux organisateurs. Enregistrer le livre fut pour moi une expérience tout à fait bouleversante.
J’écris dans un des chapitres du livre que mon métier consiste parfois à faire entendre aux endeuillés leur propre récit qu’ils pourront réinterpréter. Pour le dire plus simplement : je sers parfois à faire entendre à l’oreille d’un autre ce que sa bouche m’a dit.
Je ne m’attendais pas en enregistrant le livre à ce soit porté à mon oreille ce que ma main avait écrit pour le faire résonner différemment. J’ai eu l’impression de comprendre autrement certains chapitres alors même que je les avais moi-même rédigé. Merci à vous de m’avoir proposé cet enregistrement. Et merci surtout aux lecteurs… et auditeurs (!!!) pour leurs retours si bouleversants. »

Delphine Horvilleur

La remise des Coups de cœur est l’occasion de découverte. Ce fut le cas pour Lara Suyeux, peut-être parce que sa carrière est quasi exclusivement consacrée au théâtre.
Elle a joué Racine, Shakespeare, Tchékov, Feydeau, Musset, Corneille, Novarina, Edward Bond, Marivaux, Véronique Olmi, sur les scènes du théâtre du Rond-Point, Théâtre des Mathurins, Théâtre des Quartiers d’Ivry, Théâtre de la Tempête, Théâtre 71-Malakoff, Théâtre de l’Atalante, Théâtre Paris-Villette, Théâtre de l’Etoile du Nord, Lavoir Moderne Parisien… Elle joue la Reine Marie dans Le Roi se meurt de Ionesco avec Michel Bouquet, en tournée (105 représentations). Elle est lectrice pour le Festival des Correspondances de Grignan, et pour le Paris des Femmes au Théâtre des Mathurins à Paris.

suivi de Contre l’inculte qui achète de nombreux livres

Présenter Denis Podalydès revient à parcourir l’histoire récente du théâtre (il est sociétaire de la Comédie-Française où il joue et met régulièrement en scène) et du cinéma (pour Roman Polanski, Christophe Honoré, Noémie Lvovsky, Bruno Podalydès,...). Il a été récemment lauréat d’un Coup de cœur de notre commission pour la lecture de son essai Voix off.
(Re)découvrir la fantaisie des textes de Lucien de Samosate, auteur prolifique du II^e siècle de notre ère, auxquels la qualité de la lecture de Denis Podalydès donne une saveur sans pareille.

« Chers amis,
je vous appelle « chers amis », sans toutefois vous connaître, mais je me suis toujours senti proches de ceux et celles qui s’occupent des livres enregistrés, qui les fabriquent, les diffusent, à travers le temps et l’espace. Je leur dois beaucoup. Je vous dois beaucoup.
J’ai tout écouté de ce qu’on enregistrait entre 1985 et 1995, période où je fus un écouteur quotidien, acharné, de toutes les œuvres littéraires que phonographiaient acteurs et actrices. Il est des enregistrements qui ont eu à mes yeux, à mes oreilles, la même importance que tel grand film, telle grande mise en scène au théâtre.
Très tôt dans cette période si souvent consacrée à l’écoute de disques littéraires, j’ai eu vent de l’Académie Charles Cros, dont j’aimais l’appellation, à cause du sens que le mot « académie » prend à côté du nom de ce poète non-académique, dont le nom de poète, en retour, prend un éclat immortel. C’était le haut lieu de la mémoire sonore, que j’imaginais comme une sorte de palais translucide empli de phonographes et de tous appareils de toutes les époques, où l’on pouvait écouter les voix les plus actuelles comme les plus anciennes. En fait, tout était sonore dans mon esprit, puisque je n’imaginais pas vraiment de lieu ni de visage.
Aujourd’hui, j’aimerais pouvoir découvrir certains de ces visages. Hélas, je ne le peux pas, car je joue à la Comédie-Française en ce moment-même.
En enregistrant de ces textes rares, anciens, délicats, on a toujours l’impression de jeter une bouteille à la mer. On ne sait qui écoutera, ni quand, ni où, et peu importe : on avance dans l’enregistrement, on lit pour les deux personnes qui vous écoutent hic et nunc, et ça suffit pour que le temps de cette lecture, on soit logé tout au fond du texte, dans cette région bienheureuse où la beauté, la drôlerie, l’étrangeté, s’entendent à chaque pas. Je ne connais pas bonheur plus subtil que celui de ces moments d’enregistrement et d’écoute, presque sans pause, dans la pure abstraction du texte, qui coïncide avec sa plus pure concrétude, quand s’est cristallisé l’accord entre texte, lecteur et auditeur.
Des années plus tard, parfois à l’autre bout du monde — ça m’est arrivé —, alors qu’on est très loin de ces heures intimes d’enregistrement, quelqu’un vous dit qu’il vous a écouté la veille, vous restitue soudain un passage du livre, que vous avez complètement oublié, vous ne savez plus rien de ce que votre propre voix a transporté jusqu’à cette personne, elle vous en gratifie, vous la remerciez. La bouteille était donc parvenue à son destinataire inconnu, qui soudain la débouche devant vous. C’est une des plus émouvantes expériences artistiques que je connaisse.
Je remercie bien sûr ma chère Claude Colombini qui m’a proposé d’enregistrer Lucien, ce prodigieux poète qu’il est important de faire connaître.
Je remercie également Nicolas Filicic, qui a eu l’idée de cette publication, Anne-Marie Ozanam, pour sa traduction, les Éditions des Belles lettres, et les Éditions Frémeaux, la plus impressionnante bibliothèque sonore que je connaisse.
Je remercie de tout cœur l’Académie Charles Cros pour ce coup de cœur, c’est un grand honneur et une grande joie que vous me faites.
Toute ma gratitude, ma sympathie et mes plus chaleureuses salutations. »

Denis Podalydès

Actrice pour Nina Compannez, Coline Serreau, Pascal Thomas ou Jean-Pierre Mocky, elle est aussi très présente au théâtre. La Beauté du ciel est son premier livre. Pas un roman, un récit, celui d’une femme, fille de (Romy Schneider). Qui devient mère pour la première fois.
Elle a fait le choix de lire elle-même son livre.

« Les fulgurances de l’écrivaine et son acuité font le charme de cette valse mélancolique. » - L’Obs.
La romancière, auteure majeure de la littérature française, s’est emparé de son propre récit, galerie de vies confinées autour d’un square urbain.

Anne Consigny a tourné pour Alain Resnais, Benoît Jacquot, Arnaud Desplechin,Rodrigo Sorogoyen, et quelques autres. Elle est Catherine, apprentie danseuse de tango aux côtés de Patrick Chesnais, dans Je ne suis pas là pour être aimé de Stéphane Brizé. Mais aussi confrontée à une réalité inattendue, la femme du capitaine d’industrie kidnappé dans Rapt de Lucas Belvaux.
Pensionnaire à 18 ans de la Comédie-Française, elle joue Corneille, Racine, Tchekov, mais aussi, plus tard, Bernstein, Schmitt, Duras dans une reprise de Savannah Bay (tiens, tiens) aux côtés d’Emmanuelle Riva et a créé Le Fils, d’Adrien Zeller.

Elle a enregistrée Félicité, 14 nouvelles publiées en 1920 par l’écrivaine néo-zélandaise Katherine Mansfield. Des nouvelles plus tournées vers l’introspection que l’action.

Comédien, chanteur, essayiste, récitant, chroniqueur radio, François Morel est devenu une voix et une figure incontournables de la scène artistique française. BD cocréée avec Pascal Rabaté au dessin, C’est aujourd’hui que je vous aime, histoire (vécue) d’une adolescence pleine de rêves et de désirs inassouvis à la fin des années 60, devient, portée par la voix de son auteur, une chronique tendre et drôle d’une époque et d’un âge dit ingrat.