Jacques Higelin, du Hareng saur aux In honorem Charles Cros
« Charles Cros, avait plaisanté Jacques Higelin en recevant son dernier Grand Prix, ça a d‘abord été ma rencontre au Cours Simon avec Le hareng saur… sec, sec, sec, il vient, tenant dans ses mains - sales, sales, sales, Un marteau lourd, un grand clou - pointu, pointu, pointu... » On y répète les mots trois fois. Pour qu’ils vous entrent bien dans la tête. »
L’Académie Charles Cros fera mieux. C’est à quatre reprises qu’elle inscrira à ses palmarès le nom d’Higelin, en 1977 pour Alertez les bébés (Grand Prix du disque), en 1982 A Mogador (Grand Prix du disque), en 1983 pour Tombé du ciel (Grand Prix In honorem), en 2013 pour Beau repaire Grand Prix In honorem pour l’ensemble de sa carrière).
On ne décerne pas quatre fois à un même artiste les plus prestigieux de ses prix si l’on n’est pas convaincu d’un talent exceptionnel. Mais on ne le fait pas non plus si on n’aime pas aussi l’homme et l’Académie Charles Cros aimait l’homme Higelin que révélait l’œuvre, avec sa générosité de cœur, ses élans, ses engagements. On en trouvera le reflet dans la fragile vidéo de son ébouriffante intervention à la remise du prix qui lui a été décerné le 21 novembre 2013 à la Maison de la radio pour l’ensemble de sa carrière.
C’est le public qui nous fait, nous les artistes,. C’est toujours ce que j’ai retenu comme leçon réelle. Les gens, partout, où qu’ils soient, jeunes, moins jeunes, vieux, moins vieux, adolescents, enfants, leur leçon c’est leur regard et c’est leur écoute , et c’est ce regard là et cette écoute qui méritent le profond respect de quelque artiste que ce soit.
J’ai l’air de déconner, mais c’est des choses que je crois vraiment. Quand on écrit de la musique, quand on compose, souvent dans la solitude, car on se demande qui écoutera ça, qu’on a le sentiment que ça n’intéressera personne. Je me rappelle Barbara qui m’avait montré ses cassettes clouées au mur dans sa demeure de Précy, j’ai senti chez elle un vrai doute. Je la regardais et j’ai dit moi, Barbara, moi ça m’intéresse, et je sais que ça me fait progresser, que ça me fait avancer dans la vie.
C’est incroyable tous ces gens qui nous ont précédés, on a un passé extraordinaire de poètes chantant, ceux qui envoient des textes, Brel, Brassens, Nougaro, Gainsbourg, Colette Renard, Colette Chevrot… C’était une chanteuse aussi, c’était une amie qui m’a fait rencontrer Georges Moustaki. On s’aperçoit que, quand tous ces artistes disparaissent, on croise au cimetière des gens qui ont les larmes aux yeux, et qui nous disent ah ! ça fait tellement de peine, parce que c’est un ami à nous, vous comprenez, c’est quelqu’un qui fait partie de notre famille, quelqu’un dont on la photo chez soi, quelqu’un dont on écoute les paroles, dont on écoute la musique…
Et c’est valable pour toutes les formes de musique, jazz, classique, musique contemporaine, chanson. Certains disent que c’est différent, mais c’est toujours des sons, c’est toujours un sens, c’est toujours un langage, et c’est toujours un discours qui appelle à liberté, à la conscience de la vie, à l’enrichissement de chaque être humain.