Grands Prix Parole enregistrée, Documents et Créations sonores 2022 à Château-Thierry

Certains (je les ai entendus) disent que c’est de la faute du poète et performeur Lucien Suel. Il est vrai (j’y étais) qu’au moment où il entama son poème par le mot « Orage »,, dit avec force dans le micro, le ciel se couvrit de nuages noirs et menaçants. Il est vrai, que, cinq minutes plus tard, froissant une bouteille en plastique pour accompagner la lecture d’un poème consacré à « ses » morts ; le tonnerre lui répondit et que la pluie se mit à tomber, faisant fuir le public vers un abri sûr : les voitures, vidant d’un coup la cour de la médiathèque où se tenait, avec succès et depuis le matin, le salon de la poésie organisé dans le cadre des 3e Journées Poétiques de Château-Thierry.
Il fallut rapatrier vers l’intérieur de la médiathèque le matériel sonore, enceintes et micros, l’installer en urgence à l’étage, où finalement se tint la remise des Grands Prix de la commission.

Le public fut donc rare, car il ne revint pas, la pluie faisant barrage. C’est donc devant une assemblée clairsemée, mais attentive, que furent remis les deux Grands Prix 2022 de la Commission Parole enregistrée, Documents & Créations sonores.

Après les mots d’introduction de Frédéric Jacquesson, adjoint au maire chargé des affaires culturelles, et le discours partiellement improvisé d’Alain Fantapié, président de l’Académie, Jacques Fournier, coordinateur de la Commission, demanda à Caroline Apostolopoulos de le rejoindre sur la scène pour recevoir le premier Grand Prix de l’année, décerné aux Disques du Maquis pour l’édition d’un disque-objet exceptionnel : "La Prose du Transsibérien et de la petite Jeanne de France" dit par Jean-Louis Trintignant. Cette remise fut d’autant plus émouvante que Philippe Pierre-Adolphe, cheville ouvrière des Disques du Maquis, qui a œuvré pendant plus de vingt ans pour faire aboutir ce projet fou, est décédé vingt jours auparavant. C’est avec émotion et tendresse que Caroline Apostolopoulos, qui fut sa compagne et sa collaboratrice, évoqua l’histoire de cette réalisation qui vaut tant par son contenu (la lecture d’un texte hors normes, certes, mais aussi les contributions artistiques de Jean-Louis Murat et d’Enki Bilal) que par sa forme, un objet noir d’extérieur mais riche et flamboyant à l’intérieur.
Quand la voix de Jean-Louis Trintignant sortit des enceintes, rien ne vint la troubler. L’assemblée reconnaissait là un timbre souvent entendu au cinéma et à la télévision, est qui savait si bien donner corps aux mots des poètes et se mettre à leur service.

Saïd Mohamed et Arnaud Coutancier évoquèrent ensuite leur collaboration pour l’autre œuvre récompensée : "Délits de faciès, Opéra murmuré". L’envie de travailler ensemble est née dès la première rencontre, mais il fallait un projet fort qui tombât au bon moment. Quelques années plus tard, quand Saïd Mohamed lui envoie la lecture d’un extrait de Délits de faciès, un texte écrit au mitan des années 1980 (publié en 1989 au Dé bleu) alors que montaient en puissance la voix d’idéologies racistes et nauséeuses, Arnaud Coutancier, compositeur de musique de scène et créateur d’ambiances sonores, s’en empare. L’année 2022 fut celle de la concrétisation du projet, ce CD autoproduit dont les deux artistes nous ont fait entendre un large extrait.

Après la traditionnelle photo de groupe, en compagnie de Mme Fatou Mano, sous-préfète, la conclusion fut laissée à Sébastien Eugène, maire de Château-Thierry, qui a donné rendez-vous à l’Académie en 2024 pour la remise des prochains Grands Prix de la Commission.





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